[REVUE DE PRESSE] L’actualité internationale nous bouscule ou même nous sidère, depuis l’investiture de Donald Trump le 20 janvier comme président des Etats-Unis, puis les aléas de la politique américaine. L’anxiété est encore montée d’un cran après l’allocution d’Emmanuel Macron le 6 mars autour de “la menace russe”.
Pour un nombre croissant de Françaises et de Français, le flux continu d’actualités anxiogènes dans les médias ou sur les réseaux sociaux provoque un mal-être psychologique, constate la journaliste du quotidien Le Monde Marion Huysman. Et d’interpeller chacun d’entre nous : “Souffrez vous de fatigue informationnelle ?” A ceux qui répondront oui, elle suggère de créer ses propres rituels, pour choisir quand et où s’informer au lieu de subir.
- Regarder la vidéo en 3 minutes mise en ligne le 9 mars sur Le Monde
Au Canada, l’un des pays impactés par la nouvelle donne géopolitique, des médias se mobilisent pour aider leurs concitoyens à mettre des mots sur leur ressenti. “Anxiété, palpitations, mais aussi sentiments de trahison, de colère, d’impuissance, d’incrédulité, de déséquilibre, de confusion : nous sommes nombreux à nous sentir à fleur de peau”, note Pascale Brillon, professeure de psychologie à l’Université du Québec à Montréal, dans une tribune publiée dans Le Devoir.
“Nous sommes victimes d’une attitude adoptée par les intimidateurs, et ce, de la part d’un allié et ami de longue date [Les Etats-Unis]. Nos réactions constituent une réponse normale face à une situation qui est anormale. Cet allié puissant use de stratégies ouvertement intimidantes, choisies délibérément pour leur potentiel déstabilisant”.
- Lire sa tribune du 6 mars sur le quotidien Le Devoir
Face à ces nouvelles perturbantes, comment préserver sa santé mentale ? Se couper complètement de l’actualité apparaît souvent comme la solution. A tort, selon la psychiatre interrogée par la journaliste Fannie Arcand, du quotidien canadien La Presse. Cette médecin recommande une diète – par exemple consulter les informations une ou deux fois par jour seulement – plutôt que l’évitement, qui “mène à entretenir des scénarios de catastrophe irrationnels”.
De son côté, la psychologue Suzanne Filion conseille de faire une pause des réseaux sociaux si on se sent angoissé, si on se met à rêver de l’actualité. S’offrir du répit, pour y revenir par la suite. “Si on peut se garder à jour, c’est mieux”, estime-t-elle.
Les Français, eux, sont nombreux à “fuir un écosystème médiatique saturé d’informations répétitives, anxiogènes et conflictuelles”, selon les auteurs d’une enquête réalisée en ligne par la société d’étude et de conseil L’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo). Publiée le 11 décembre 2024 avec la Fondation Jean Jaurès, groupe de réflexion proche du Parti Socialiste, l’enquête conclut à un “exode informationnel”.
La stratégie la plus répandue chez les personnes interrogées consiste à désactiver les notifications sur leur téléphone (53 % le font « régulièrement » ou « de temps en temps »), suivie par la surveillance de leur temps d’écran (35 %) et l’extinction volontaire de la télévision (29 %). Plus significatif encore : 68 % déclarent avoir supprimé des applications de réseaux sociaux de leur téléphone et 55 % ont supprimé des applications de conversation comme WhatsApp ou Messenger. Des pratiques radicales émergent : 19 % s’engagent dans des « détox digitales » en se coupant complètement d’internet pendant quelques jours.
D’autres stratégies consistent à s’évader dans des univers plus contrôlés. Par exemple la télé-réalité, les jeux vidéo, les mangas, “ces mondes où l’on connaît d’avance les règles et où rien ne déborde vraiment”, note la journaliste Romane Ganneval dans Le Point. Pour Jonathan, ce sont les concours de cuisine, “un plat raté, un candidat éliminé, un rebondissement en fin d’émission, mais jamais de chaos”. On trouve ainsi “des échappatoires qui deviennent des refuges, des bulles hermétiques dans un monde où l’information ne connaît plus de pause”, souligne la journaliste.
- Lire les témoignages publiés le 26 février dans Le Point
Le romancier Laurent Gaudé propose à ses concitoyens de prendre un livre. ” Je crois que les romans, la poésie, le théâtre nous parlent du monde d’une autre façon, toute aussi nécessaire que celle des journalistes, affirme-t-il dans sa dernière chronique Lectures d’actu. Alors, que celles et ceux qui se sentent épuisés par l’information ouvrent un roman. Ils se reposeront l’esprit sans perdre le contact avec leurs semblables, et continueront à suivre l’état du monde mais juste d’un peu plus loin, d’un peu plus haut.”