La dépendance à l’alcool reste un tabou difficile à briser, particulièrement pour les femmes. Conséquence : elles consultent pour cette addiction avec dix ans de retard, comparé aux hommes, souligne Elsa Taschini, docteur en psychologie et addictologue, invitée du débat consacré à “l’alcool au féminin” sur France 2. L’émission Infrarouge, diffusée le 8 décembre et disponible en replay, inclut également un documentaire dans lequel plusieurs femmes devenues abstinentes, de tous âges et de tous milieux sociaux, témoignent à visage découvert.
Toutes font part de la stigmatisation qu’elles ont perçue, en lien avec leur situation. “Le silence tue plus que l’alcool” affirme l’une de ces femmes. Une autre raconte que ses enfants l’ont éloignée de ses petits-enfants car “une mamie, ça ne boit pas”. “On se cache parce qu’on a honte, on a une ingéniosité, un pouvoir de mentir incroyable”, confie une troisième qui glissait sa bouteille dans la poussette quand elle sortait avec son bébé. Aujourd’hui, elles choisissent de ne plus se cacher.
La réalisatrice Marie-Christine Gambert s’est également invitée dans la consultation de la psychiatre et addictologue Fatma Bouvet de la Maisonneuve, à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. De ces femmes venues consulter, on ne voit que les mains ou le bas du visage. L’une d’elles confie ne pas avoir osé parler de son problème avec son médecin de famille. “Le tabou de l’alcool par rapport aux femmes imprègne toute la société, y compris le corps soignant”, insiste Fatma Bouvet de la Maisonneuve.
La nécessité de lutter contre les préjugés est d’autant plus grande que les femmes sont de plus en plus nombreuses à être concernées par la dépendance à l’alcool. “Les femmes à 20 ans, à 40 ans, revendiquent de boire comme le font les hommes”, observe Nathalie Latour, déléguée générale de Fédération addiction, réseau de professionnels de cette spécialité, et invitée du débat.
Un autre documentaire, radio cette fois, donne lui aussi la parole à ces femmes qu’on entend si rarement. Dans la série “Des femmes qui boivent” diffusée en novembre sur France Culture, la réalisatrice Juliette Boutillier rencontre des personnes qui ont arrêté de boire, d’autres qui ont modéré leur consommation et d’autres encore, pas du tout.
L’idée est venue d’un questionnement personnel. “Lors du confinement, le jour où ma fille me confie sa peur de me voir parfois “abuser” à l’apéro, je décide d’interroger ma relation à l’alcool, explique-t-elle dans la présentation de la série. Je m’inscris à Dry january et j’imagine une série documentaire pour réfléchir et déconstruire ce tabou de l’alcool au féminin”.
Interrogée dans la série, l’autrice Virginie Despentes, qui a arrêté de boire depuis longtemps, souligne qu’il y a “un alcoolisme bravache heureux chez les hommes dont on va plus entendre parler parce que l’on va plus les laisser en parler”.
- Ecouter les 4 épisodes de l’émission LSD La Série Documentaire sur France Culture