Quand la schizophrénie est médiatique

Publié le 28/03/2024
De nombreux journaux et radios ont donné la parole à des personnes concernées par ces troubles particulièrement stigmatisés, ainsi qu'à des proches et à des psychiatres, à l'occasion des Journées de la schizophrénie.

[REVUE DE PRESSE] On en parle de plus en plus, même s’ils continuent à susciter des peurs et que les clichés persistent à leur sujet. Les troubles schizophréniques sont un thème que les médias abordent désormais avec recul et pédagogie – et plus seulement à chaud, dans la rubrique des faits divers, à travers des affaires où ce diagnostic est invoqué. A l’occasion des Journées de la schizophrénie organisées par l’association suisse PositiveMinders, qui se sont achevées le 23 mars, on a pu entendre à la fois des personnes concernées, des proches et des professionnels de la santé mentale. Qui ont démonté nombre d’idées reçues. 

Evoquer ces troubles schizophréniques à visage découvert reste une démarche rare, tant ceux-ci sont mal considérés. L’exercice est devenu moins périlleux, peut-être, avec l’émergence des médiateurs de santé pair. Ces anciennes patientes ou anciens patients rétablis de leurs troubles psychiques exercent dans des hôpitaux ou des centres de réhabilitation psychosociale. Par leur métier, ils partagent régulièrement leur vécu avec d’autres personnes. Ainsi, ils gagnent en aisance, quand il s’agit de s’exprimer sur le sujet dans les médias. Par ailleurs, les médiateurs ne s’exposent pas à perdre leur travail en révélant leurs troubles, ceux-ci étant par définition connus de leur employeur. 

Médiateur de santé pair, Maximilien Durant, 30 ans, témoigne dans Le Figaro de la difficulté, avec ce diagnostic, à être respecté et écouté. La  journaliste Jeanne Durieux écrit : “Le jeune homme se souvient notamment d’un séjour aux urgences quelques années plus tôt pour un dysfonctionnement rénal. «Je me tordais de douleur, quand j’ai entendu les infirmiers qui disaient “il est schizophrène !” comme si cela avait une importance capitale pour mon traitement. J’étais en colère, je n’étais pas venu pour ça», se rappelle-t-il, ajoutant qu’à partir de là, sa parole n’a plus été prise en compte par les médecins”.

Des proches de personnes concernées ont aussi été sollicités par les médias, à l’occasion de ces Journées. Comme Christine, qui se félicite d’avoir suivi le programme de psychoéducation ProFamille, destiné à l’entourage. Les journalistes de France 3 Normandie, Mélisande Queïnnec et Marion Chevalet, citent cette mère d’un jeune homme de 21 ans : “Après sa tentative de suicide, Augustin a été pris en charge au CHR du Rouvray [près de Rouen]. C’est sa psychiatre qui m’a embarquée dans ce programme. Qui dit mieux comprendre, dit mieux accompagner le proche. Si l’on n’est pas bien en tant qu’aidant, on ne peut pas bien aider notre proche.”

  • Voir le témoignage de Christine sur France 3 Normandie
  •  Ecouter le point de vue de sœurs et de frères dans la série vidéo Y a un truc qui va pas lancée le 11 mars par l’association PromesseS (sans lien avec les Journées)

On a pu entendre, aussi, des professionnels de la santé mentale, pour la plupart des psychiatres. Sylvain Leignier, psychiatre au Centre hospitalier Alpes-Isère à Grenoble, a expliqué pourquoi on ne parle plus de la schizophrénie mais des schizophrénies, au pluriel. “La nature et l’intensité des symptômes varient dans le temps, souligne-t-il auprès de la rédaction de Destination santé. Des variations entre les individus existent également.”

  • Lire son entretien réalisé par Destination Santé sur Actu.fr

De quoi a-t-on le plus parlé, dans les médias, durant ces Journées ?  De la nécessité de lutter contre la stigmatisation vécue par les personnes concernées, c’est à dire le fait d’être mal vu et mis à l’écart. La journaliste Marion Pépin, de la radio Le Mouv’, cite Jason, 24 ans, pour qui on est “vite catalogué”. “Les gens ne comprennent pas, souligne le jeune homme. Pour eux, c’est schizophrénie = violence, schizophrénie = voix qui veulent tuer des gens.”

  • Lire l’article sur la station de Radio France Le Mouv’

Certains médias ont insisté sur le rétablissement. “C’est une maladie qui se soigne, et d’autant mieux quand elle est prise tôt, affirment les journalistes de France Bleu Géraldine Mayr et Anne Orenstein. Dans 80% des cas, les symptômes s’améliorent dès qu’ils sont traités.”

  • Ecouter leur entretien avec la psychiatre Marie-Odile Krebs, chef de pôle au GHU Paris psychiatrie, dans l’émission Bonjour Docteur sur France Bleu (à partir de 11:30)

Des médias ont aussi dénoncé l’utilisation détournée du nom du trouble comme une attaque, notamment par des personnalités politiques. Plusieurs ont relayé l’initiative de Hugo Baup, psychiatre au CH de Périgueux, qui a lancé le 26 février une pétition sous le titre “Arrêtez d’utiliser les troubles psychiques comme des insultes !”

Il a été question, enfin, de… changer le nom de la schizophrénie. Rien de moins ! “De nombreux professionnels de la santé militent pour le remplacement de la terminologie permettant de désigner le trouble”, note Jeanne Durieux (voir l’article du Figaro cité plus haut). Notamment parce que son étymologie trompeuse évoque le dédoublement de la personnalité. Schizophrène vient du grec «schizo», «séparé», et «phrên», esprit. 

Un collectif (dont fait partie Psycom) a publié  le 6 février une tribune en ce sens dans le quotidien Le Monde, titrée “Supprimons le mot « schizophrénie », un terme stigmatisant et un diagnostic discuté” (tribune réservée aux abonnés). La journaliste Juliette Desmonceaux écrit sur BFM TV : “Dès 2002 au Japon, il est abandonné et remplacé par une expression évoquant le “trouble de l’intégration”, jugé plus juste.”

CREDITS

Veille de l’actualité en santé mentale : équipe Psycom
Choix du sujet en comité éditorial : Estelle Saget, Alexandra Christine, Cyril Combes, Léa Sonnet, Aude Caria (Psycom)
Rédaction : Estelle Saget (Psycom)