[VU SUR LE WEB] Les alertes se sont multipliées ces dernières années, face au risque élevé de suicide chez les internes en médecine. La maltraitance de ces étudiants, les situations de harcèlement qu’ils ou elles vivent à l’hôpital, font partie des causes identifiées de leur mal-être.
Une plainte pour harcèlement moral a été déposée au pénal par des internes contre leur chef de service, au CHU de Brest. Celle-ci a été jugée recevable, a annoncé l’un de leurs syndicats, l’InterSyndicale Nationale des Internes (ISNI), le 8 juin. Signe de la fin de l’omerta qui règne encore à l’hôpital ?
Le recours à la justice est l’un des leviers actionnés par les organisations représentant les étudiants en médecine, dans le but de prévenir les suicides. Dans une affaire concernant le CHU de Poitiers, l’an dernier, la plainte au pénal avait été classée sans suite. C’est pourquoi l’ouverture d’une enquête, cette fois, marque un tournant.
Ils sont 16 plaignants, internes ou ex-internes, à avoir déposé plainte contre le chef du service anesthésie réanimation, le 4 novembre 2022. Le professeur des universités et praticien hospitalier (PU-PH) a été suspendu par l’établissement le 2 février, à titre définitif.
Des élus se sont également saisis du sujet de la santé mentale des futurs médecins. Ainsi, le sénateur Yves Détraigne a déposé une question écrite portant sur le “suicide des étudiants en médecine”. “Beaucoup de professionnels dénoncent une formation médicale qui, en France, reposerait sur une violence institutionnalisée“, souligne-t-il.
Dans sa réponse du 12 janvier, le ministre de la Santé écrit : “En [2021], les deux ministres [de l’Enseignement supérieur, de la Santé] ont annoncé une politique de « tolérance zéro » et « d’engagement total » face à la maltraitance et au harcèlement des étudiants en santé. Des dispositifs d’aides à la gestion des situations critiques d’étudiants en santé ont été mis en place aux niveaux local, puis régional et national (par le biais notamment de la médiation)”. Un peu plus loin, il écrit : “Les maîtres de stage universitaire, qui accueillent des étudiants de 2ème et 3ème cycle de médecine, sont désormais formés au repérage des situations à risques psychosociaux et de violences sexistes et sexuelles.”
Les violences rapportées par les étudiantes et les étudiants sont souvent psychologiques, à commencer par les humiliations en public. Elles sont aussi physiques ou sexuelles, comme le montre l’enquête réalisée pour une thèse conjointe de médecine générale, publiée en 2020. L’une des auteures, Amélie Jouault, par ailleurs membre de l’association Pour une M.E.U.F (Pour une médecine engagée et féministe), donne des pistes de prévention au micro de Géraldine Grenet, du podcast Les Femmes sages.
- Ecouter Amélie Jouault sur le “sexisme et les violences dans les études de médecine”, sur la plate-forme Ausha
La “culture de la violence” à l’hôpital, pour reprendre les mots utilisés dans cette thèse, est précisément au centre d’un procès qui se tient actuellement devant le tribunal correctionnel de Paris, jusqu’au 7 juillet. En 2015, un cardiologue s’était suicidé depuis son bureau à l’Hôpital européen Georges Pompidou (HEGP). Le tribunal examine les accusations de harcèlement moral portées contre l’Assistance publique hôpitaux de Paris (APHP), l’ancienne directrice de l’hôpital Pompidou et trois professeurs de médecine de cet établissement.