[REVUE DE PRESSE] Movember, une opération de sensibilisation à la santé physique et mentale des hommes tient sa 21ème édition dans plusieurs pays, dont la France. Movembre (en français) est la contraction de “moustache” (chacun est invité à soutenir la cause en la laissant pousser) et de “novembre” (le mois retenu pour l’événement). Les médias ont braqué le projecteur sur la capacité des hommes à exprimer, ou pas, leurs émotions ou leur mal-être.
Signal positif, la parole semble se libérer au fil des générations. La question “Selon vous, et par rapport aux générations précédentes (votre père, votre grand-père …), le sujet du bien-être psychologique et mental des hommes est-il un sujet dont il est plus facile, moins facile, ni plus ni moins facile de parler aujourd’hui ?” a été posée à 1015 hommes en 2022 par l’institut de sondages CSA pour le sponsor de Movember Pringles. Ils sont 59 % à avoir répondu “plus facile”.
La chercheuse et spécialiste des questions de genre Manuela Spinelli, co-fondatrice de l’association Parents et Féministes, constate que “parler de sa santé mentale, ça se voit davantage chez les jeunes pères“. “Cette génération commence à s’emparer de ces sujets”, souligne-t-elle auprès du média Uzbek et Rica.
- Lire l’article du 23 octobre sur Uzbek et Rica
- Voir les résultats de l’étude sur le site du CSA
Pour autant, les freins à consulter une ou un psychologue restent importants. Selon l’enquête menée par Maud Le Rest, journaliste et autrice du livre “Tu devrais voir quelqu’un” (éditions Anne Carrière, octobre 2024), ce sont la fierté et la compétition, des notions fortement associées à une certaine vision de la virilité, qui empêchent souvent les hommes de consulter.
- L’écouter dans l’émission du 29 octobre sur France Culture
- Voir l’infographie sur les stéréotypes “Un vrai homme, c’est censé…” sur le site de l’association suisse Minds
Quand ils ressentent le besoin de se confier, la plupart des hommes interrogés par Maud Le Rest n’ont personne autour d’eux. “Beaucoup ont une bande, mais pas vraiment de confidents”, affirme-t-elle à la journaliste de Femme Actuelle Chloé Thibaud.
On peut penser que si les hommes prenaient soin de leur santé mentale, les femmes s’en porteraient mieux. “Chaque fois que j’ai été en couple, j’ai géré les problèmes de mon copain, confie Maud Le Rest à la journaliste Stella Roca. Quand j’étais en thérapie, 80% de mon temps était alloué à parler de ses problèmes à lui, ou à ceux qu’il me causait”. Et d’ajouter : “Des études ont montré que quand un homme va mal, cela se matérialise différemment qu’une femme. Il sera davantage dans l’extériorisation, dans la violence, les conduites à risque. Quelque part, si les hommes allaient mieux, ils seraient moins violents”.
Donc oui, les hommes ont bel et bien une santé mentale. Que faire, quand on sait que 75 % des morts par suicide sont masculines ? Une piste consiste à mobiliser les pairs, autrement dit les autres hommes. “Les messages généraux de prévention sont peu efficaces auprès des hommes, note Vincent Lapierre, psychologue et président du Centre de prévention du suicide de Paris. Au Centre, nous avons remarqué que la pression sociale par les pairs l’est davantage pour orienter les hommes vers le soin thérapeutique”. Et de préciser : “L’idée, c’est vraiment d’aider au mieux leurs collègues ou proches, sans être intrusifs. Ça peut être en allant se balader, prendre l’apéro”.
Autre piste : former les professionnels de santé aux critères diagnostics particuliers de la dépression chez les hommes. Celle-ci peut se manifester notamment par une surconsommation d’alcool ou de l’irritabilité, souligne le chercheur Mickaël Worms-Ehrminger, co-auteur de l’article “Santé mentale et prévention du suicide chez les hommes”, publié en novembre dans la revue Actualités pharmaceutiques.
Des hommes s’engagent pour montrer que la vulnérabilité existe aussi au masculin. Soufiane Hennani, fondateur de Machi Rojola, podcast marocain qui promeut les masculinités positives, explique à la journaliste Christelle Tissot de Musae que l’injonction à la virilité “crée une véritable prison pour les hommes”. Trop souvent, “ils préfèrent se couper de leurs émotions au détriment de leur vulnérabilité et donc de leur humanisme, de leur empathie et de leur intelligence sociale”.
- Lire son entretien de 2022 sur le média spécialisé en santé mentale Musae
L’ancien joueur international de foot Johan Djourou, 37 ans, a choisi de parler publiquement de sa santé mentale. Il se souvient de son échec, plus jeune, à discuter avec un de ses copains qui se sentait mal. Pour être capable d’encourager les confidences, “il faut un peu plus de maturité”, estime-t-il. “On pense qu’en se refermant sur soi on va trouver la solution”, alors que montrer de “la vulnérabilité ouvre la possibilité de l’aide“.